Philippe Claudel - Les âmes grises


Elle ressemblait ainsi à une très jeune princesse de conte, aux lèvres bleuies et aux paupières blanches. Ses cheveux se mêlaient aux herbes roussies par les matins de gel et ses petites mains s'étaient fermées sur du vide. Il faisait si froid ce jour-là que les moustaches de tous se couvraient de neige à mesure qu'ils soufflaient l'air comme des taureaux. On battait la semelle pour faire revenir le sang dans les pieds. Dans le ciel, des oies balourdes traçaient des cercles. Elles semblaient avoir perdu leur route. Le soleil se tassait dans son manteau de brouillard qui peinait à s'effilocher. On n'entendait rien. Même les canons semblaient avoir gelé.
"C'est peut-être enfin la paix... hasarda Grosspeil.
- La paix mon os!" lui lança son collègue qui rabattit la laine trempée sur le corps de la fillette. P.C.

Prix Renaudot 2003

ISBN: 978-2-253-10908-2

Adaptation cinématographique

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